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Interview de Didier TARQUIN
La Lettre de DARGAUD mars-avril 1997

D'où venez-vous ?

Du Sud ! J'ai 29 ans et j'ai commencé la BD tout d'abord avec Les Maléfices d'Orients, puis avec deux volumes d'une série héroïc-fantasy assez sombre, Röq. Aujourd'hui, je considère cette période comme un apprentissage. Lanfeust est, aux yeux de beaucoup, ma première vraie série.

 

C'est important pour vous qui êtes du midi, d'être édité par Soleil ?

J'attache beaucoup d'importance à la qualité des relations humaines, et la proximité facilite évidemment les choses. D'autre part, je suis fidèle à ceux qui m'ont donné ma chance à une époque où les choses n'allaient pas aussi bien que maintenant. Avec Soleil, je sais à qui j'ai affaire, on forme une bonne équipe. C'est agréable de travailler en confiance, cela dit, je n'exclus pas de travailler un jour pour d'autres éditeurs.

 

Comment a commencé Lanfeust ?

Il est né de l'échec commercial de Röq. J'étais en panne de scénario et Arleston en avait un dans ses tiroirs. Notre collaboration était inévitable, on se connaissait depuis longtemps et on s'appréciait. Lorsqu'il m'a parlé de Lanfeust, on n'y croyait pas trop, ni l'un ni l'autre. Et j'avais un à priori contre la magie, qui peut vite tourner à la facilité. Mais il y avait pas mal d'idées sympathiques, alors on a pris le parti de s'amuser au maximum !

 

Comment vous situez-vous par rapport à la vague d'héroïc-fantasy qui envahit la BD ?

C'est vrai, il y a beaucoup d'albums d'héroïc-fantasy. Ca correspond à un grand engouement des adolescents. Mais Lanfeust ne rentre pas vraiment dans le moule du genre : c'est surtout de l'aventure et de l'humour, même si certains ingrédients sont communs.

 

Qu'est-ce qui distingue Lanfeust des autres ?

Ce qui fait le succès de Lanfeust, c'est autant le caractères des personnages que le contexte. Pour raconter une bonne histoire, il faut de bons personnages. Je n'aime pas trop le pur héroïc-fantasy, qui nécessite une culture "jeux de rôles" que je n'ai pas. Lanfeust, comme les autres séries d'Arleston, est beaucoup plus "fantaisie" que "héroïque", même si l'aspect aventure est traité de façon sérieuse. C'est en fait une comédie qui se déroule dans un cadre médiéval et fantastique. C'est pour cela que nous comptons parmi nos lecteurs, beaucoup de gens qui, d'habitude, ne lisent pas du tout d'héroïc-fantasy.

 

Donc, l'humour compte beaucoup.

Bien sûr ! La quête de Lanfeust est assez archétypale, c'est la façon de raconter qui change. L'aventure est surtout un canevas qui permet de développer un univers, des anecdotes plus originales, et de placer des dialogues croustillants. Depuis le début, notre parti pris n'a pas changé : on est là pour s'amuser ! Simplement, nous nous sommes aperçus que pas mal de monde avait envie de s'amuser avec nous. Le récit chemine sur un équilibre précaire : on est sans cesse à la limite de la parodie, mais ce n'est pas complètement délirant pour autant. L'univers doit être crédible, cohérent. J'aime que chaque objet dessiné fonctionne, qu'on se dise que, si on le construisait, il marcherait. Les bestioles doivent être en accord avec leur écosystème, leur mode alimentaire... Je regarde beaucoup de documentaires animaliers ! Et pour faire sentir la progression de la quête, nous changeons l'environnement géographique à chaque album : le premier pourrait se passer dans les Alpes, le deuxième aux Caraïbes, le troisième en Ecosse...

 

Vous avez donc des cartes ?

Bien sûr ! Comme nous sommes des gens sérieux, nous travaillons avec de la documentation. Et puisqu'il y a peu d'articles sur Troy dans Géo, on les invente ! On a réalisé une carte de Troy très détaillée, elle est encartée dans le quatrième volume. Les lecteurs que ça amuse peuvent suivre les déplacements de Lanfeust. on trouve sur la carte plein d'endroits où Lanfeust n'ira sans doute jamais, mais qui font tout de même rêver.

 

Vous êtes partis pour une série sans fin ?

Oui et non. Pour le moment, huit albums sont prévus, avec une vraie fin au huitième. Au début, je trouvais ça trop long mais Arleston m'a convaincu en me racontant l'histoire. Mais je sais qu'après ces huit il a déjà prévu un second cycle, complètement différent. Top secret !

 

Lanfeust aura-t-il la maîtrise du pouvoir absolu ?

Bien sûr que oui. L'intérêt n'est pas de savoir si les gentils vont gagner à la fin, mais comment ils vont s'y prendre pour s'en sortir !

 

Et avec les deux superbes filles qui l'accompagnent, il s'en sort aussi ?

Ah ? Voilà une question beaucoup plus intéressante... Mais je ne peux rien dévoiler sur l'avenir sentimental de Lanfeust, sinon Arleston me frappe ! Et vu son gabarit... Alors, la blonde ou la brune ? Suspense... C'est ce qui me plaît, dans ce personnage, il est capable de tailler un dragon en pièce, mais il est tout démuni et rougissant face aux deux filles qui, finalement, le mènent par le bout du nez. Chacune a son caractère et sa façon de s'y prendre. Peut-être que pas mal de gens se retrouvent là dedans ? En tout cas, ça plaît aux lectrices !

 

Y avait-il une volonté de référence dans les couvertures des deux premiers tomes ?

Pour la première, le côté Guerre des étoiles est tout à fait involontaire. Je ne m'en suis aperçu qu'après l'avoir livrée. Mais on a trouvé ça rigolo et on a eu envie de faire le seconde façon Aventuriers de l'arche perdue ! Si on doit trouver une paternité à Lanfeust, elle est beaucoup plus chez Spielberg que dans les schémas habituels de l'héroïc-fantasy.